L’estampe se porte bien dans son état multiple.
Certain-e-s voudraient y voir un terrain où s’affrontent nouvelle tradition et méthodes d’hier ou bien celles du futur. Mais il n’en est rien ; depuis la première main gravée sur les parois ornées des grottes, il y a plus de 20 000 ans jusqu'aux expérimentations sur polymère entre photographie et art digital, la high-tech a fait depuis longtemps bonne impression et créé des émules. Zinc, cuivre, tétra pack, taille douce, eau-forte héliogravure au bitume de Judée, solar plate, pointe sèche, lino, manière noire, les techniques se « mixent média ». Et les graveur-e-s puisent dans ce vivier techniques et sujets intemporels.
Engagée, poétique, abstraite, ou rien, qu’importe ! Les presses de l’atelier sont toujours là et on s’y retrouve tous-t-es tout autant que dans les odeurs entêtantes des encres de térébenthine ou de colophane. On trouve encore de beaux papiers et de belles mains pour œuvrer dessus. On est dans un art du continu, du discret, de l’efficace, sans rupture. Les tirages ont une marge, une marque de fabrique, une impression dans laquelle, peut-être, les graveur-e-s se retrouvent aussi. Sur le fil ils font et refont la lecture du trait et de la ligne comme une évidence sans remous ; si ce n’est ceux des vagues d’acide, de perchlo, de sulfate de cuivre ou de nitrique que l’on remue toujours avec une plume. Chercher, trouver, graver de nouveaux terrains d’exploration, de représentation de la lumière et de la matière, être en phase HD ou à côté de la plaque, on reste encore et toujours sur les traces de cet invisible présent…
Annie Rosès
Commissaire de l’exposition gravure - salon de Maisse 2023