Edito
par Thierry Citron, président d'Art et MatièreL'art est-il indispensable ou futile ? La question est posée à toutes les époques sans trouver de vraie réponse, mais il semble aujourd'hui elle se trouve reposée avec plus d'insistance.
Au milieu des difficultés nombreuses qui assaillent nos contemporains, certains ont cru entrevoir la défaite de la beauté ou la mort de la peinture. Les budgets rétrécissent et entraînent des coupes sombres dans les programmes culturels. L'action culturelle telle que nous l'avons bâtie depuis 20 ou 30 ans est battue en brèche. Pour continuer à vivre il faut revoir sa copie et inventer autre chose.
Chez les artistes aussi les temps sont durs. L'art qui provoque, l'art qui dérange, l'art contestataire s'essouffle. Les collectionneurs, les mécènes et les institutions, privées ou publiques ont rangé leur carnet de chèques. Les créateurs, ceux dont le métier est de produire de l'art bouclent leur fin de mois avec difficultés. Il est vrai qu'ils ont choisi de travailler sans garantie, uniquement par la vente de leur travail.
Et justement, Ils ont choisi d'être artistes et ils le resteront. Certains disent: " parce que je ne sais rien faire d'autre", d'autres se bornent à avouer que la force obscure qui est en eux est toujours aussi vive et que peindre, sculpter, graver, photographier … sera toujours leur indispensable raison de vivre, c'est comme ça !
Bien au contraire, devant les difficultés, la morosité ambiante, la raréfaction des clients, l'art est un rempart, l'art est un contrepoison, l'art redresse la tête avec sa caboche bien dure, son âme de résistant en quelque sorte. Est-ce cela inventer autre-chose ?
En aval de cette production et pour encourager l'innovation, il doit toujours rester des lieux où il est possible de se montrer. Des rendez-vous où ceux qui aiment voir rencontrent ceux qui donnent à voir.
Ici peut-être Art et Matière a un rôle capital à jouer. S'il a recueilli toutes ces dernières années quelques subsides bienfaisantes, publiques et privées; ses moyens, maintenant, se font plus rares et ses outils sont plus modestes, nous nous y adaptons sans nostalgie.
Au contraire le nombre des artistes qui font confiance à Art et Matière ne diminue pas, ils ont besoin de nous, comme nous avons besoin d'eux, pour continuer à jouer notre rôle en donnant cours à leurs expériences. Il s'agit de réapprendre à faire société avec ces "choses" qui sont "uniques" , qui sortent des cerveaux et des mains des artistes et qu'on osera toujours appeler des "œuvres".
Thierry Citron Président d'Art et Matière